Marija GIMBUTAS
Faisant le constat d’un monde actuel résolument YANG (Cf. Article Le YIN et le YANG), autrement dit fait par les hommes et pour les hommes, j’en viens à m’interroger…Que serait un monde YIN, fait par les femmes ? Autrement dit, quant est-il du matriarcat? Mythe ou réalité?
Je voudrais par cet article rendre hommage particulier à une archéologue et préhistorienne américaine d’origine lituanienne, Marija Gimbutas, née le 23 janvier 1921 à Vilnius et morte le 2 février 1994 à Los Angeles, en Californie, aux USA.
Marija va remettre en question bon nombre d’idées reçues concernant la naissance de la civilisation européenne.
Dans les années 50/60, elle s’est imposée comme la spécialiste mondiale de l’âge de bronze en Europe, de l’Art premier lituanien, de la préhistoire des Baltes et des Slaves, notamment au travers de son ouvrage Bronze Age Cultures of Central and Eastern Europe (1965) : Dieux et déesses de l’Europe préhistorique (The Goddesses and Gods of Old Europe, 1974); Le langage de la déesse (1989, thème d’une exposition qui lui sera consacrée en Allemagne au musée de Wiesbaden), et La Civilisation de la déesse (The Civilisation of the Goddess, 1991), qui donneront un état de ses recherches sur les cultures néolithiques d’Europe notamment en ce qui concerne l’habitat, les structures sociales, l’art, la religion et les connaissances.
Elle va révéler au monde l’existence d’une civilisation pré-indo–européenne qu’elle nomme « Culture préhistorique de la déesse » qui a existé à partir du Paléolithique et qui aurait duré plus de 25 000 ans.
Selon Marija, cette « civilisation de la déesse » de type matriarcal vouait un culte particulier à une déesse Mère. Ces sociétés «gynocentrique » ou gylanique comme elle les nommera étaient pacifistes, respectaient les homosexuels, pratiquaient la mise en commun des biens, l’égalité des droits était complète entre les sexes tant d’un point de vue social, religieux que politique.
On peut rappocher ce mode de vie de celui des femmes chez les Iroquois, où il n’y avait aucun viol de la part des hommes iroquois. Le viol serait inconnu chez les Amérindiens. Chez les Iroquois, les femmes détenaient la propriété et elles seules pouvaient décider si les hommes devaient faire la guerre.
Bien que reconnue dans le monde de l’Archéologie, certains de ces collègues dont Andrew Fleming contestèrent ces conclusions et notamment les symboles féminins qu’elle avait identifiés dans des figurines, et de lui reprocher de n’avoir vu que des symboles féminins dans certaines statuettes alors que certains étaient typiquement masculins d’autre asexués. D’autres archéologues prétenderont que les figurines représentant des symboles de fertilité, n’étaient que des jouets ou poupées du néolithique.
Cependant, certains de ses confrères n’hésiteront pas à comparer les découvertes de Marija Gimbutas à la découverte de la pierre de Rosette ou au déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens.
Le culte de La Déesse
Il existe de nombreux ouvrages anglophones dont les titres sont à eux seuls évocateurs et qui relatent le culte de l’ancienne Déesse, en voici quelques-uns, notamment Helen Diner Mothers and Amazons, Esther Harding Women’s Mysteries, Eizabeth Gould Davis The First Sex, Merlin Stone When God was a Woman, Anne Kent Rush Moon Moon, Charlene Spretnak Lost Goddesses of Early Greece, Vicki Noble Motherpeace : A way to the Goddess…etc. Cependant la référence reste Marija Gimbutas.
Dans son ouvrage Le langage de la Déesse,
ses recherches se situent au niveau de ce que l’on appelle la Vieille Europe qui comprend le pourtour de la Méditerranée et les Balkans. A partir de fouilles qu’elle effectuera en Yougoslavie, Bulgarie, Turquie et en Grèce pendant une quinzaine d’années, elle examinera de nombreux objets provenant des civilisations du début du néolithique. Selon elle, toutes les cultures de ce passé vénéraient La Mère et la plupart des représentations artistiques étaient en rapport avec le féminin.
Pourquoi cet intérêt pour la Déesse ?
Dans une interview que Marija accorda le 2 avril 2010 (Cf le site matricien.org) , à la question « Qu’est-ce qui est à l’origine de votre intérêt pour l’archéologie et les dimensions mythologiques de la déesse des religions de la vieille Europe? »
Marija (répond): « Cela doit avoir à faire avec toute ma vie, je pense. J’étais toujours un mouton noir. J’ai fait ce que j’ai vu avec mes propres yeux – jusqu’à ce jour, en fait. J’étais très indépendante. Ma mère était également très indépendante. Elle était une des premiers étudiantes de médecine en Suisse et en Allemagne quand il n’y avait aucune autre fille étudiante.
Quand je suis née en Lithuanie il y avait toujours encore cinquante pour cent de païens. J’ai eu énormément de liens directs aux déesses. Elles étaient autour de moi dans mon enfance. La déesse Laima était là, elle pouvait appeler la nuit et regarder par les fenêtres. Quand une femme donnait naissance elle apparaissait, et la grand-mère organisait les choses. Elle est douée pour les serviettes de la déesse et des tissus sont étendus pour elle, parce qu’elle tisse la vie, elle est la fileuse. Elle peut être en voie de disparition, mais il y a cinquante ans elle était toujours là. »
AVANT LE PATRIARCAT
Son hypothèse : il y avait sûrement autre chose avant les indo-européens, c’est à dire avant le patriarcat.
Au fur et à mesure de ses fouilles, elle va découvrir de très belles poteries et statuettes (elle en découvrit elle-même environ 500), et là, elle remarque des symboles qui se répètent comme celui de l’oiseau et de la femme serpent.
Dans le monde entier on peut en effet retrouver ces mêmes symboles que l’on retrouve notamment avec le fameux Quetzelcoalt (le serpent à plumes) de l’ancien Mexique qui en serait un dérivé. Sur bon nombre de poteries le, « V » figure le symbole de l’oiseau comme le sexe féminin.
Toujours dans la même interview, Marija nous donne son éclairage quant à la différence entre la structure de la société indo-européenne patriarcale, patrilinéaire et le système qui aurait existé avant celui-ci qui serait «matristique » selon ses propos plutôt que « matriarcale » qui soutendrait l’idée d’une domination.
Dans la société patriarcale :
« Chaque Dieu est également un guerrier. Les trois dieux indo-européens principaux sont le Dieu du ciel brillant, le Dieu des enfers et le Dieu du tonnerre. Les déesses féminines sont les jeunes mariées, les épouses ou jeunes filles sans pouvoir et sans créativité. Elles sont justes là, ce sont des beautés, ce sont des Vénus, comme l’aube ou des jeunes filles au soleil. »
Dans la société « matristique » :
« (…)c’était une société équilibrée, les femmes n’étaient pas vraiment si puissantes qu’elles auraient usurpé tout qui ce qui était masculin. Les hommes étaient à leur position légitime, ils effectuaient leur propre travail, ils avaient leurs fonctions et ils ont également eu leur propre puissance. Ceci est reflété dans les symboles où vous trouvez non seulement des déesses mais également des dieux. Les déesses étaient créatives, elles créent d’elles-mêmes. Dès 35.000 B.c, des symboles et des sculptures, nous pouvons voir que les parties du corps féminin étaient les parties créatrices: seins, ventre et fesses. »
A quoi pouvait ressembler une telle société « matristique »?
« La religion a joué un énorme rôle et le temple était une sorte de centre de la vie. Les objets façonnés les plus beaux ont été produits pour le temple. Ils étaient très reconnaissants pour ce qu’ils avaient. Ils ont dû toujours remercier la déesse, lui donnaient, l’appréciaient. La haute prêtresse et la reine étaient une seule et même personne et il y avait une sorte de hiérarchie des prêtresses. »
A la question, est-ce que la religion de la déesse était monothéiste ?
Marija répond « (…) très difficile à répondre. Était-elle monothéiste, ou ne l’était-elle pas? Y avait-il une déesse ou n’y en avait-il pas? Le moment viendra où nous en saurons plus, mais actuellement nous ne pouvons pas atteindre profondément la préhistoire. Ce que je vois, dès l’abord, des temps supérieurs du Paléolithique, nous avons déjà différents types de déesses. Est-ce que ce sont différentes déesses ou différents aspects d’une d’une même déesse? ».
Que l’on soit Homme ou Femme…Et si nous reprenions contact avec l’esprit, le pouvoir et la beauté de la Déesse qui est en nous afin que les forces nourricières et intuitives émergent à nouveau en ce monde?
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Merci enfin un bel article sur un sujet trop peu étudié.
Bonjour Brigitte, merci pour le commentaire. Il est temps, pas seulement à mon sens, mais pour d’autres femmes qui oeuvrent dans la même direction qu’en tant que femme, on se rev-éveille. Que l’on sorte ce ce rêve qui n’est pas le nôtre…Que l’on reprenne notre Pouvoir, non au sens belliqueux à l’égard des hommes, mais que l’on se respecte vraiment, et cela ne peut venir que de nous-même.
Bonjour,
Le premier foyer de la civilisation a été le matriarcat. La forme de ce gouvernement était logiquement basée sur cette considération, que la femme est l’élément économique, tant physique que moral du monde. La femme est née génératrice, productrice et conservatrice.
Elle fit la plus belle série d’invention qu’ait illustré une époque. Elle créa la poterie, la vannerie, le fuseau, la culture de la terre, la panification, la domestication des animaux et enfin une quantité de ressources que son esprit ingénieux inventait sans effort.
Cette époque de l’âge d’or, en dépit de ses détracteurs, a laissé son empreinte sur les plus vieux monuments de l’histoire.
Son action sur la civilisation antique est également manifeste. La croyance en un âge d’or est universelle. Elle a pris place au sein des légendes de tous les peuples. Ces voix des temps primitifs ont été entendues des poètes antiques et se sont répercutées jusqu’à nous. Toutes les religions qui ont succédé à celles des déesses (religions masculines), s’en sont inspirées tout en avilissant la femme ; étrange contradiction !… Messieurs les thaumaturges ne s’embarrassent guère de ces incohérences, la vertu des dogmes est l’obscurité : « Je crois parce que c’est absurde » a dit Saint Augustin.
De grands écrivains philosophes, ont écrit sur ce sujet des pages éloquentes, d’une poésie intense, qu’on pourrait peut-être égaler, mais non surpasser. Des artistes de grand talent ont illustré ces œuvres, qui sont comme l’apothéose de l’humanité primitive. Puvis de Chavanne, entre autres, a fait passer dans ses compositions un souffle héroïque ! Muses inspiratrices ! Bois sacrés ! séjour des antiques déesses combien votre vue réconforte : qu’elles sont douces les heures qu’on passe à vous contempler !…
Cordialement.